retour Accueil la guerre de 1939-45

Ce texte ne prétend pas être un récit exact de la guerre, il est construit à partir des rapports du Conseil d'Administration, des convocations aux Assemblées Générales et de la brochure du Cinquantenaire parue fin 1946. Pour avoir une meilleur idée de la vie pendant cette période il aurait fallu que je rencontre des personnes l'ayant vécu. Les seuls récits que j'ai entendu sont des histoires de matières premières (cuivre...) cachées dans les planchers pour éviter leur réquisition. Les parties du texte en gras correspondent aux évènements nationaux.


A cause de ses activités, l´A.O.I.P. est une entreprise classée défense. Dans la période qui va suivre, la plupart de ses décisions sont soumises à l´autorité militaire.

La guerre se fait sentir à l´avance, la période est tendue et les mobilisations commencent dès 1938. Dans ce climat, le gouvernement demande à certaines entreprises, dont l´A.O.I.P., de prévoir une usine de repli : l´A.O.I.P. achètera une usine à Saint-Cyr-sur-Loire (banlieue de Tours).

Début 1939 l´A.O.I.P. compte environ 825 salariés dont 340 associés (sociétaires).

  • 1er septembre 1939, l'Allemagne envahie la Pologne ;
  • 2 septembre, mobilisation générale ;
  • 3 septembre, la France, l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne ;
  • 26 septembre, dissolution du PCF ; le gouvernement, si passif face à l'ennemi, se déchaîne contre les communistes qui sont traqués avec une énergie surprenante. À la suite du pacte germano-soviétique (23 août), la presse communiste est suspendue (26 août), le Parti communiste est dissous, bien qu'ayant continué à proclamer sa fidélité à la politique de défense nationale; les députés qui n'ont pas rompu avec leur parti sont arrêtés (8 oct.), déchus (20 février 1940) et condamnés (3 avril).

    La guerre commence donc en septembre 1939 par la mobilisation générale. Elle durera jusqu´en juin 1940. Á cette période, qu´on appèle couramment la " drôle de guerre ", car il ne se passe pas grand chose, succède la guerre éclair (mai 1940).
    La France a protégée sa frontière avec la ligne Maginot, sauf devant la Belgique (pays neutre). Les allemands envahiront la Belgique et entreront en France. Le répit de la drôle de guerre, ou plutôt la torpeur qu'avait fait naître ce répit, lui fut fatal. Pendant cette période, 2 salariés sont tués ; 66 sont faits prisonniers. A Paris on prépare le repli, on aménage l´usine, près de la Loire, transférant matériel, plans. C´est la panique et le début de l´exode (juin 1940). Le Conseil d´Administration a laissé un récit complet de cette période où les décisions n´ont pas été toujours comprises. Une partie des ouvriers en age de combattre part en direction de l´usine de St-Cyr-sur-Loire. Hasard ou préméditation, le gouvernement se replie aussi sur Tours, ce qui va poser des problèmes de logement, avant de continuer sur Bordeaux.

  • 16 juin : les Allemands atteignent la Loire. Le Maréchal Pétain exprime la nécessité de demander l'armistice. Paul Reynaud démissionne. A 23 h. Pétain forme un nouveau gouvernement.
  • 17 juin 1940, Pétain demande l'armistice ;
  • 18 juin, appel du général de Gaulle ;
  • 22 juin, armistice franco-allemand à Rethondes (où fut signé en 1918 l'armistice de l'Allemagne).
  • 2 juillet, le gouvernement s'installe à Vichy.
  • L´exode de l´A.O.I.P. s´arrêtera entre Brives et Limoges. La fuite n´a plus de sens. Le matériel et les hommes rentreront sur Paris en Août 1940, rejoindre ceux qui étaient restés sur place pour garder l´usine. L´usine parisienne redémarre. A partir de septembre, c´est le retour des hommes mobilisés.

  • 3 octobre, le gouvernement de Vichy promulgue la loi portant statut des Juifs.
  • 9 novembre, le syndicat C.G.T. est dissout par décret ; seules les corporations sont autorisées.
  • 14 mai 1941, un millier de Juifs d'origine étrangère sont arrêtés à Paris par la police française.
  • 4 octobre, promulgation de la Charte du Travail : syndicats uniques et obligatoires, divisés en trois catégories : patrons, cadres et ouvriers.
  • L´effectif est de 760 dont 23 femmes de prisonniers.

    Le camion 3T est transformé au gazogène et la camionnette pour rouler à l´alcool.

    L´usine de St-Cyr sur Loire, inutilisée, est mise en vente. Une usine est aménagée à Viry-Châtillon pour la fabrication de poudre de fer (8 personnes).

    Avant guerre, l´A.O.I.P. travaillait pour les administrations : PTT, SNCF, armée… ; en 1940 elle reprend avec ces mêmes clients. Pour obtenir les marchés publiques, il faut constamment maintenir ses habilitations (Arbiet). Le travail et la relative tranquillité des travailleurs est à ce prix.

    Certains associés refusent que les femmes occupent des postes à responsabilités (chefs d´équipes,…).

    A Paris, les conditions d´approvisionnement en nourriture ne sont pas fameuses : c´est le rationnement avec ses tickets. Pour aider ses ouvriers, l´A.O.I.P. crée une coopérative d´approvisionnement pour le personnel, une cantine de 300 places et, début 1942, entretien un groupe de jardins ouvriers.

    On apprend par les convocations aux Assemblée Générales qu´il fallait venir avec ses tickets pour manger à la cantine, et aussi apporter son pain (ou tickets en 1942) ; 1 repas pour 15frs en 1942, 35frs en 1945, et les tickets pour 5gr de matière grasse et 20gr de fromage.

  • 29 mai 1942, obligation du port de l'étoile jaune pour les juifs de la zone occupée.
  • En juin, les allemands sont à la recherche de main d´œuvre pour faire fonctionner leurs usines en Allemagne. Laval institue le principe de la relève, il est fait appel aux français en promettant le retour des prisonniers (relève) : appel au volontariat par un argumentaire qui semble alléchant, 1 prisonnier libéré pour 3 volontaires. Les demandes sont faibles.
  • 16-18 juillet, grande rafle du Vel' d'hiv' : 12884 Juifs étrangers, dont 4000 enfants, arrêtés à Paris et en région parisienne par la police française.
  • 15 août, arrestations, en zone non occupée, de 4000 Juifs apatrides qui sont livrés aux Allemands par les autorités de Vichy.
  • 4 octobre, loi “ relative à l'utilisation et à l'orientation de la main d'oeuvre ” organisant le départ d'ouvriers français en Allemagne.
  • Dans un deuxième temps, réquisition d´un pourcentage de personnel, fonction de l´âge et de la charge de famille : c´est le début du STO (Service du Travail Obligatoire). L´A.O.I.P. négocie ce prélèvement, en fonction de l´habilitation et en justifiant le besoin de main d´œuvre. xxx salariés partiront pour l'Allemagne ! Sur quels critères ? Choisis par qui ? Beaucoup de Français refuseront cette réquisition et entrerons dans la clandestinité. Une partie des prisonniers est libéré pour travailler en Allemagne. Il y en a en fait très peu qui reviennent en France.

    Le directeur de l'A.O.I.P. se rend en Allemagne pour constater les conditions de travail qui ne sont pas fameuses.

  • 11 novembre, les Allemands rompent l'armistice franco-allemand en occupant la zone dite “ libre ”.
  • A Paris les rafles vont bons trains : communistes, juifs, tziganes… sont arrêtés et envoyés en déportation. Ils sont 4 (dont 1 politique) de l'A.O.I.P. qui ne reviendront pas.

  • 16 février 1943, le gouvernement de Vichy promulgue une loi créant le S.T.O., Service du Travail Obligatoire destiné à fournir l'Allemagne en main d'oeuvre.
  • Ce sont 250 salariés de l'A.O.I.P. qui, directement ou indirectement, seront concernés par le S.T.O. ou la Relève : 4 seront tués lors de leur séjour en Allemagne (bombardements ou autres ?).

  • 6 juin 1944, débarquement des alliés en Normandie. Dans les registres de l'A.O.I.P., rien ne paraît du débarquement et de l'avancée des alliés. A cause de problèmes d'alimentation électrique l'usine est fermée de fin juillet au 16 août.
  • 21 juillet, une ordonnance rétablit la liberté syndicale.
  • Jeudi 17 août, la Radio nationale suspend ses émissions. A l'A.O.I.P. premier signe d'un changement avec la décision d'arrêter toutes les commandes allemandes.
  • 18 août, la résistance déclare l'insurrection de la capitale. Dès le matin, le Conseil décide d'arrêter le travail le soir même et de ne pas ouvrir le lundi. Un groupe composé de 5 à 6 camarades de l'atelier, dont des sociétaires, se présentent à 15h accompagnés d'un cheminot responsable de la résistance et de plusieurs autres personnes qui bloquent la porte et le standard revolver au poing. Le groupe est informé de la décision prise le matin de fermer l'établissement jusqu'à nouvel avis après la paie qui avait lieu vers 16h. Il demande de réunir le personnel pour le mettre au courant de la situation et lui demander de débrayer. Le conseil est surpris de cette occupation toute spectaculaire d'une demi heure alors que l'arrêt était acquis et communiqué à tout le personnel depuis le matin.
  • Le 23 août, Prud'homme informe qu'un comité de résistance dont il est responsable est mandaté officiellement par le comité local de résistance pour assurer la sécurité de l'usine pendant la période de grève. Le conseil remercie les membres du comité de résistance de l'initiative prise en cette occasion pour préserver l'usine.
  • 24 août, la division Leclerc entre dans Paris.
  • 25 août, Paris est libérée.
  • 29 août, les américains entrent dans Paris et défilent sur les Champs Elysées.
  • La reprise du travail a lieue le 29 août. 2 camarades ont été blessés aux barricades.
  • 1er septembre, le conseil alloue aux camarades qui faisaient partie du comité de sécurité, un paquet de cigarettes pour les remercier. Le conseil décide que les réfractaires qui se présenteront pour reprendre le travail seront inscrits au chômage.
  • Pendant cette période, de nombreux centres de résistance font appel aux concours technique de l'A.O.I.P.
  • Le 4 septembre, on apprend que le 2ème camion a été volé par les allemands.
  • Le 7 septembre, les camarades qui ont démontés le poste de DCA reçoivent une prime de 5%. Une indemnité pour vélo est donnée aux dépanneurs du service privé.
  • Le 13 septembre se sont 50 réfractaires qui se sont inscrits pour reprendre leur place. Le conseil envisage de reprendre immédiatement le personnel embauché avant septembre 1939, ainsi que les femmes de prisonniers ou déportés A.O.I.P. encore en Allemagne.
  • Le 20, Ribeyre indique que le multiple à 16 positions est vendu aux américains par les P.T.T.

  • 25 novembre 44, rapport du Conseil pour l'Assemblée Générale :
    CHERS CAMARADES,
    Depuis la dernière Assemblée générale, des événements importants se sont déroulés, la libération d'une grande partie de la France, à laquelle le peuple a contribué dans un élan irrésistible, a permis le rétablissement du régime démocratique et des libertés républicaines.
    La reconstruction et la reprise industrielle du Pays se trouvent retardées par des difficultés de tous ordres, tant économiques que politiques. La France, dans son indépendance, doit les surmonter en donnant confiance au monde du travail par l'application de méthodes qui correspondent à l'évolution sociale ; le moment semble venu pour qu'une de ses aspirations de toujours, celle de participer à la gestion des entreprises, se réalise.
    Le mouvement coopératif se doit de suivre de très près cette évolution, afin de ne pas perdre l'avance qu'il a acquise dans ce domaine.
    Les quatre années d'occupation et les journées mémorables de la libération de Paris se sont déroulées sans dommage matériel pour l'A.O.I.P.
    La libération nous a valu le retour de 85 Camarades, réfractaires à la déportation ou qui avaient été obligés de fuir leur domicile. Malheureusement, il reste encore en Allemagne 45 prisonniers et environ 96 déportés de l'A.O.I.P., auxquels nous adressons une pensée fraternelle. Nous espérons que le déroulement des événements permettra à nos Camarades d'être bientôt de retour parmi nous.
  • 8 mai 1945, capitulation de l'Allemagne nazie, fin de la guerre.

  • 23 novembre 45, Ribeyre indique que l'Etat Major de l'Armée américaine offre à l'A.O.I.P. un fanion d'honneur en remerciement des services rendus et de l'effort fait par nous pour l'installation du multiple de l'Opéra ; à cette occasion le Conseil décid d'inviter : le président de la Caisse centrale du Crédit coopératif, le ministre du travail et le ministre de la production industrielle, le maire du 13ème arrondissement, le bureau de la confédération générale des coopératives ouvrières de production, M. Briat, les personnalités du syndicat, les journalistes et la radio.
  • Cette cérémonie a lieu fin novembre, dans le réfectoire de l'usine. L'Armée américaine, en reconnaissance de la rapidité avec laquelle le matériel nécessaire aux liaisons téléphoniques de son Quartier Général a été éxécuté et installé, décerne un fanion d'honneur à l'A.O.I.P. ; sont représentés les Ministères du Travail et de la Production, le Conseil Municipal, le Secrétaire de la Confédération des Coopératives de production, différentes personnalités de la résistance et du personnel. Une allocution est prononcée par le Colonel Winsted, représentant l'Armée américaine, à laquelle répond M. Ribeyre, Président-Directeur général de l'A.O.I.P. ; cette cérémonie est radiodiffusée.
  • Quelques semaines après, le Président-Directeur général de l'A.O.I.P. remet, au cours d'une cérémonie intime, en vertu des pouvoirs qui lui sont délégués, la croix de guerre avec palme à une employée de l'A.O.I.P. qui avait rendu d'éminents services à la Résistance pendant l'occupation ; les représentants de la Résistance, le président et le personnel lui adressent leur vive admiration pour son action courageuse.
  • La brochure du cinquantenaire parue en 1946 nous indique :

    La fin des hostilité amène assez rapidement le retour en France de nos camarades qui avaient été retenues en Allemagne jusqu'à ce jour : 41 prisonniers, 3 déportés politiques et 92 requis reprennent en quelques semaines leur place à l'A.O.I.P. ainsi que 142 réfractaires disséminés dans les différentes régions de France.
    Malheureusement, nous avons eu à déplorer le décès de deux camarades morts au champ d'honneur, de deux dans les camps de concentration, de trois requis décédés en Allemagne à la suite de maladie et de deux victimes civiles de la guerre. De plus quatre déportés politiques et raciaux qui avaient été envoyés dans des camps de concentration sont portés disparus ainsi qu'un requis du travail obligatoire.

    L'A.O.I.P. garde un souvenir ému des camarades qui ont trouvés la mort du fait de la deuxième guerre mondiale.

    De cette guerre il ne reste aujourd'hui qu'une plaque commémorant la mort de 15 salariés.

    J'ai trouvé un récit intéressant sur l'aide qu'ont put apporter certains salariés de l'A.O.I.P. a des familles de déportés.

    LV

    Suite : Récit de l'Exode (juin à août 1940)

    Retour page précedente

    retour Sommaire


    Mise à jour le