Origine syndicale de la coopérative ouvrière A.O.I.P. |
Je voudrais essayer de sortir du traditionnel 80 ouvriers du syndicat... réunis en assemblée... . Pour celà, je vais commencer par rappeler le contexte de l'époque
A partir de 1893, ce syndicat publie un mensuel à l'attention de ses adhérents : “ l'Eveil des Ouvriers en Instruments de Précision ”.
Edmond Briat, le Secrétaire Général du syndicat, publie un historique du syndicat dans la revue : Le Mouvement Socialiste, en septembre 1899.
Les statuts de juillet 1894 nous enseignent les points suivants :
Cette chambre a pour but d'unir toute la corporation dans les mêmes sentiments d'émancipation. De créer entre tous ses membres un lien de solidarité pour la défense de leurs intérêts corporatifs et économiques.Il est affilié à la Bourse du Travail de Paris (rue du château d'eau). D'après les textes anciens sur l'A.O.I.P., il comptait environ 800 syndiqués. Edmont BRIAT en est le Secrétaire Général ; Paul DELESALLE, un Anarchiste qui sera un des créateurs de l'anarcho-syndicalisme dont je reparlerais un peu plus loin, était le Secrétaire adjoint. Cet ouvrier, ajusteur de précision, aurait participé en 1895 à la création de l'appareil chronophotographique des frères Lumière, en compagnie du camarade VIARDOT.
Elle fixe le salaire minimum a 75 centimes de l'heure.
Elle gère une caisse de solidarité réservée au cas de :Le syndicat fait tout ce qu'il peut pour procurer du travail à tous ses membres. Il poursuit l'élévation des salaires en rapport avec les nécessités de la vie et, par suite, la suppression du travail aux pièces.
- Chômage par Résistance, lorsqu'un syndiqué se trouve forcé de quitter un atelier, parce qu'il ne veut pas subir : soit une baisse exagérée d'un prix de façon, soit une notable réduction d'un prix d'heure, de journée, ou de toute autre cause analogue le mettant dans l'impossibilité de gagner un salaire suffisant.
- Simple Chômage, lorqu'un syndiqué est forcé de quitter un atelier par suite de manque de travail ou de réduction du personnel.
- Cessation de Travail, cas où le syndiqué est forcé de quitter un atelier, parce qu'on le trouve trop âgé ou par suite d'infirmités reconnues, le mettant dans l'impossibilité absolue de continuer son métier.
Une Chambre syndicale est une sorte de tribunal disciplinaire institué pour juger les infractions aux règlements d'une Corporation et aux devoirs imposés à ses Membres. Tout Syndiqué a pour devoir de faire une propagande active pour arriver à grouper toute la corporation. Il doit indiquer immédiatement à la permanence les places qu'il peut connaître, et ne doit pas en disposer de gré à gré.
Ce syndicat est présent dans environs 150 Maisons parisiennes (ou proche banlieue). On retrouve : Société des Lunetiers, Société médicale, Cie anonyme continentale, Cie des téléphones, Leclanché, Société d'Eclairage, Richard Frères, Aérostation militaire, Cie Edison...
Du 23 au 28 septembre 1895, à LIMOGES, 75 délégués représentants 28 fédérations, 18 bourses du travail, 126 syndicats non fédérés créent une organisation unitaire et collective. La fédération nationale des syndicats ne se joint pas à cette organisation, la fédération nationale des bourses du travail, bien qu'à l'origine, reste extérieure. Cette organisation prend le nom de Confédération Générale du Travail. (C.G.T.)
C'est dans cet état d'esprit que le syndicat des Ouvriers en Instruments de Précision et des parties similaires décide de créer une société à l'image des idées qu'il défend. Naturellement celle-ci s'appellera Association des Ouvriers en Instruments de Précision et des parties similaires .
Comme on le voit sur le tampon, la devise est Courage et Travail .
Ce sont donc 48 membres qui, au cours de l'Assemblée Constitutive du 10 mars 1896, participent à la création de la Scop. Le citoyen Villa secrétaire de la chambre consultative qui a bien voulu assister à la réunion prend la parole et donne des renseignements sur la formation des associations ouvrières et l'émancipation qu'elles pourrait prendre ainsi que les services qu'elles pourront rendre .
Pendant plus de cinquante ans, on retrouvera souvent ce mode d'ordre d' Emancipation par le travail et on parlera d' Atelier Social
Le nom d'A.O.I.P. ne viendra que 30 ans plus tard. On parlait plutôt d'A.O.P. qui a un double sens : Association d'Ouvriers de Production (nom donné aux coopératives) et Association d'Ouvriers de Précision. Les mots Instruments de Précision prendront plus de sens après la création de la Division Mesure.
Sur les plaques des appareils c'est le nom complet Association des Ouvriers en Instruments de Précision qui est gravé (ou comme sur cette plaque de téléphone de 1932 avec les mots ouvriers et instruments abrégés).
Dans les statuts de l'A.O.I.P., depuis la refonte du 19 août 1900, c'est l'article 9 qui règle l'admission au sein de l'Association :
Tous les camarades désirant faire partie de l'Association devront appartenir à la Chambre syndicale des Ouvriers en instruments de précision depuis 2 ans.
Nul associé ne pourra faire partie d'une autre Société ayant les mêmes attributions professionnelles, soit à titre d'actionnaire ou d'administrateur.
L'admission des adhérents est subordonnée à l'acceptation de l'Assemblée.
Le syndicat sera absorbé par la Fédération C.G.T.des Métaux de la Seine.
Après le congrès de Montpellier, en 1902, qui unifie le mouvement ouvrier en réunissant la CGT et les Bourses du Travail, se tient en 1906 à Amiens un des plus importants congrès du mouvement syndical. Paul DELESALLE, membre du syndicat des Ouvriers en Instruments de Précision, Secrétaire adjoint des Bourses du travail, est l'un des 5 rédacteurs et un des 42 cosignataires de la charte d'Amiens qui marque le début de l'anarcho-syndicaliste, ou de la séparation des syndicats et des partis politiques.
En 1910, l'âge de la retraite est fixé à 65 ans. L'A.O.P. décide de créer sa propre Caisse de Retraite, qu'elle gérera jusque vers 1990, et décide de fixer l'âge de la retraite des associés à 60 ans. C'est sans doute pour éviter d'attirer trop de salariés âgés que l'Article 9 est complété par une condition d'age : 9 septembre 1917, Tout candidat qui fera sa demande d'adhésion ne devra pas être âgé de plus de 40 ans au moment de son inscription. Sa demande ne sera présentée à l'Assemblée générale pour son acceptation définitive que lorsqu'il aura passé 1 an dans l'atelier social.
Dans le cas où il ne serait pas accepté, il sera remercié et les sommes qu'il aura versées lui seront remboursées avec un intérêt de 5%.
En 1907, Edmond Briat devient Secrétaire général de la Chambre consultative.
Celui-ci donne cette définition du coopérateur : Le coopérateur est un ouvrier éduqué et conscient qui a fait un effort pour s´élever du salariat à l´actionnariat, mais qui ne doit pas oublier que c´est le syndicat professionnel qui a été le premier échelon de son émancipation économique. Il doit donc rester membre de son syndicat et ce syndicat doit être confédéré à l´un des organismes centraux existants. (*1)
A propos des ambitions de la Coopération du début du XXème siècle, il explique : Notre action tend à bouleverser une société basée sur vingt siècles d´exploitation, d´égoïsme, pour lui substituer une organisation fraternelle. (*1)
Après la première guerre mondiale on assiste a une multiplication des syndicats :
1919 - Apparition de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). On n'en trouve pas de traces à l'A.O.I.P..
1921 - Scission au sein de la C.G.T., les révolutionnaires , anarchistes, partisans de la théorie léniniste du syndicat, créent la CGTU (Confédération générale du travail unitaire). Elle se réunifiera à la CGT à l'occasion du Front populaire le 5 mars 1936.
Cette séparation fait débat au sein de l'A.O.P., certains demandent la modification des statuts pour permettre l'entrée de ces 2 tendances (plus une 3ème : UTICA [ou USTICA ?]). Finalement les statuts seront modifiés le 22 octobre 1924 et l'Article 9 commence ainsi : Tous les camarades désirant faire partie de l'Association devront appartenir à la section technique des ouvriers en instruments de précision depuis 2 ans. Ils devront fournir la preuve qu'ils ont fait leur apprentissage dans la profession.
Exception sera faite à cette règle pour les apprentis de l'Association, dont l'inscription se fera sur leur demande, à la fin de leur apprentissage.
En 1940, le régime de Vichy interdit les syndicats. L'Article 9 s'adapte pour que ne soit plus prononcé le mot syndicat : alinéa c, il faut faire partie de l'A.O.I.P. depuis au moins 5 années et avoir été pressenti au préalable par les organismes responsables intéressés de l'A.O.I.P.
Après la libération cette condition ne sera pas réinscrite. Finalement dans l'Article 9 la condition devient : Pour être admis comme associé, il faut travailler à l'A.O.I.P. depuis au moins 1 an après l'age de 21 ans, [...], être agréé après demande écrite, par le Conseil d'administration, et accepté définitivement à l'Assemblée générale. par un vote à bulletin secret réunissant la majorité requise pour les modifications aux statuts.
Après guerre on trouve 4 sections syndicales représentés au sein de la coopérative : CGT, CGT-FO (FO), CNT, CFTC, et plus tard, après la scission de la CFTC en 1964, la CFDT.
L.V.